Elodie a 32 ans, mariée depuis 8 ans et sans enfant. A 26 ans, elle apprend qu’elle a le cancer du sein lors d’une visite chez le médecin. Elle nous raconte son histoire…
Je me nomme Elodie, j’ai 32 ans, mariée depuis 8 ans et sans enfant, je vis depuis toute petite à Londres et je suis une Cancer survivor. La première fois que je suis allée voir un médecin à propos de la bosse qui était apparue dans mon sein droit, j’étais mal à l’aise en me déshabillant devant un inconnu. Les personnes qui avaient vu ma poitrine nue pouvaient se compter sur les doigts d’une main. Rires.
“J’ai su que j’avais un cancer la quatrième fois que j’ai sorti mes seins devant un inconnu encore. On me l’avait annoncé après une mammographie. Cette fois-ci, je m’en fichais bien que les gens voient mes seins. Ce n’était plus de l’exploration. C’était réel.”
Avec tous les complexes physiques d’une femme de 26 ans, je me sentais exposée. Un parfait inconnu observait ma poitrine nue et mon ventre mou. J’ai ri pour faire passer ce moment embarrassant et tout à coup, j’étais beaucoup moins stressée au sujet de la masse mystérieuse que ma main avait effleurée sous la douche quelques jours plus tôt. Puis il y a eu une deuxième fois, j‘étais toujours aussi nerveuse à l’idée de me retrouver nue plutôt qu’à propos de cette bosse et de ce qu’elle pouvait être. J’ai su que j’avais un cancer la quatrième fois que j’ai sorti mes seins devant un inconnu encore. On me l’avait annoncé après une mammographie. Cette fois-ci, je m’en fichais bien que les gens voient mes seins. Ce n’était plus de l’exploration. C’était réel. C’était devenu très sérieux.
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J’étais tellement naïve quand j’ai découvert la bosse. Ma famille était globalement en bonne santé. Nous n’avions jamais été touchés par un cancer, donc je ne savais pas grand-chose à ce sujet. J‘avais un vague sentiment que les jeunes femmes pouvaient avoir un cancer du sein, mais je n’avais jamais envisagé que ça puisse m’arriver.
Même lorsque j’ai découvert la bosse, même quand mes ganglions étaient gonflés, même quand le visage de la radiologue a changé, lorsqu’elle examinait la masse sur son écran, même quand ils m’ont planté une aiguille à biopsie dans le sein, je ne pensais pas que ça puisse m’arriver.
Quand on vous diagnostique un cancer, vous commencez à voir le monde différemment. À partir du moment où on m’a dit que j’avais des cellules cancéreuses logées dans mon sein qui essayaient de me tuer, ma vision des choses a changé.
Les soucis sur lesquels je n’avais aucune emprise se sont éclipsés, remplacés par de nouveaux soucis concernant les risques chirurgicaux. Je n’étais plus stressée par le boulot ou concernant l’hygiène pendant la chimio.
Des décisions devaient être prises concernant mon programme de soins. Est-ce que je voulais la chimio en premier, ou la chirurgie ? Est-ce que je voulais un traitement de fertilité ? Est-ce que je voulais une tumorectomie ou une mastectomie ? Est-ce que je voulais une radiothérapie pour avoir les meilleurs taux de réduction de récidive ? Le traitement marcherait-il ? Le cancer reviendrait-il ? La période après mon diagnostic avait été la plus dure de toute ma vie.
Quand on m’a dit les mots « cancer du sein », je n’étais pas sûre d’avoir la force mentale pour faire face à ce qui m’attendait. Il y avait des moments où j’étais émotionnellement, physiquement, et mentalement à bout. Il y a des fois où j’ai pensé à abandonner. Je n’allais pas laisser mon sein me tuer, et je n’allais pas le laisser m’empêcher de vivre pendant que je subissais ce traitement infernal.
Puis, il y a les gens qui sont devenus mes héros. Mes proches m’ont sauvée.
Bref, j’ai cessé d’essayer d’être la personne que je pensais ou que je devais être. J’ai arrêté de me préoccuper de mon apparence, de mon poids. Je devais me concentrer sur le fait de survivre. J’ai rapidement appris que certaines personnes allaient me décevoir. Il y a des gens qui n’ont pas été là autant que je l’aurais espéré. Je comprends. Puis, il y a les gens qui sont devenus mes héros. Mes proches m’ont sauvée. Mon mari, mes parents, ma famille, mes amis ont tous participé comme jamais je ne l’aurais imaginé. Ma reconnaissance envers eux est sans fin.
C’est un autre cliché, mais c’est vrai que vous découvrez quelles personnes sont importantes en temps de crise.
Heureusement, j’avais l’habitude de vérifier régulièrement mes seins, donc j’ai trouvé la bosse tôt. Mais bien qu’il était petit lorsqu’il a été retiré, le cancer était agressif et grandissait rapidement. J’ai aussi été extrêmement chanceuse parce que le système de santé britannique a fonctionné pour moi comme une machine bien huilée, on m’a fait faire tous les examens nécessaires dont la mammographie, bien que mon âge faisait qu’il était fort improbable que ce soit un cancer. Si mon cancer n’avait pas été détecté si tôt, j’aurais pu faire face à un scénario bien différent de celui que j’ai connu, à savoir qu’il était possible de soigner mon cancer et que celui-ci est parti, du moins pour l’instant. Il y a des choses que l’on n’oublie pas dans la vie même si ma famille a été mon soutien, je prends des cachets pour faire face aux moments sombres. C’est le cas depuis des années…
Photo à la une : Erika Hart, survivante New yorkaise du cancer
shootée par le photographe Island Boy
PS : la photo de la une ne représente pas la personne qui témoigne
Propos recueillis par Liliane N’goran
Cet article a été initialement publié le 8 octobre 2018