Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… La bien célèbre phrase sortie tout droit des contes de fées n’est évidemment pas toujours vérifiée. Qu’est ce qui se passe dans la réalité ? On ne vit pas toujours ensemble ! On peut ne plus se supporter et divorcer, perdre son conjoint, ou encore avoir eu des enfants sans être marié par choix ou non. Ces trois situations constituent des causes immédiates et fréquentes de la monoparentalité.
Pourquoi existe-t-il des familles monoparentales ?
Pour diverses raisons, un homme et plus généralement une femme selon les sondages, se retrouve seules à élever un ou des enfants. Outre la famille nucléaire considérée comme l’idéal, la famille monoparentale avec le temps, s’entend aussi en Afrique comme un type de formation familiale. On va d’ailleurs dire que ce genre de foyer est rentré un peu plus dans la conscience collective aujourd’hui qu’il y a des décennies en arrière. Pour cause, nos sociétés ont subi des transformations sociales et même politiques. La femme est plus instruite, plus affirmée, la société s’occidentalise. Par exemple, beaucoup de couples ne restent plus ensemble juste « pour les enfants ». Les parents africains, beaucoup plus qu’auparavant, peuvent décider de s’éloigner l’un de l’autre pour vivre dans un environnement sain, lorsque l’union n’a pas fonctionné.
Yasmine EKLU, cadre de banque, élevée dans une famille monoparentale et modèle de réussite pour la société. « La monoparentalité n’a pas été vécue chez nous comme un tabou parce que ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel. Dans ma famille, les femmes sont assez autonomes et n’ont pas de problème à afficher leur indépendance ».
Pourtant, il y a une large propension qui n’est pas du même avis.
La famille monoparentale, un tabou de nos sociétés africaines
Il y a un tabou à être un parent seul car les rôles dans un foyer sont partagés. On a donc l’impression que c’est un échec de ne pas rentrer dans cette case et on considère qu’il est plus délicat de bien éduquer seul un enfant ; tout reposant sur les épaules du parent qui doit être à la fois père et mère. Et il s’agit là de charges émotionnelles, physiques et parfois financières lourdes qui peuvent faire traverser des périodes difficiles à supporter.
Or lorsqu’un parent est mal dans sa peau, c’est l’éducation de son enfant et son bien-être qui sont mis en péril. Spécialement pour ce qui est des familles monoparentales issues de relation hors mariage, il y a un gros malaise qui ne dit pas son nom et qu’on matérialise chez nous par des critiques et des rejets de la société et même de la famille immédiate. Edwige Mensah, jeune fille, a vécu les préjugés à plusieurs niveaux. « Les amis t’abandonnent en considérant que tu n’es plus une jeune fille comme les autres et que c’est fini pour toi, les commères du quartier racontent que tu es légère, et ta famille essaie de te convaincre que tu es trop jeune pour décider de ne plus faire chemin avec le père du bébé… ». Kelly AMOUZOU, Life Mastery Coach, elle-même divorcée et mère célibataire a eu une expérience qu’elle raconte en créant Mom’s Hangout (groupe de soutien de mères célibataires à son retour dans son pays. « Les gens m’ont dit qu’on ne parle pas de ça ici, personne ne va venir. Il y avait tellement de jugements. J’ai dit non, il suffit de savoir comment communiquer par rapport à la chose parce que je sais que c’est une peine. La première fois, il y a 9 personnes qui étaient venues. J’ai dû leur parler individuellement pour expliquer l’objectif de la chose parce qu’elles avaient peur d’y participer. J’ai palpé la peur de ces femmes. Mais j’ai utilisé mes techniques pour créer un environnement sécurisé.» Le constat est sans équivoque, il y a une capacité de réceptivité qui existe. Il est possible d’agir. Ceci ramène donc à la question de l’éducation sur le sujet.
Choisir le vrai combat
Le véritable défi au regard de tout ceci serait pour chaque parent seul, de maintenir un équilibre psychologique d’abord personnel, qui rejaillirait de facto sur son enfant. Pour Kelly AMOUZOU, « il ne vaut pas la peine de gaspiller de l’énergie pour aider les gens (la société) à comprendre. Il faut plutôt soutenir ces personnes dans le chemin de guérison. Qu’elles puissent se retrouver elles-mêmes. Il faut les aider à recréer leurs vies sur le plan professionnel (donc financier), et santé émotionnelle et mentale. On ne s’en rend pas compte. Les mamans et papas seuls sont en majorité en dépression chronique. Personne ne le voit parce que ce sont des personnes qui fonctionnent normalement dans la société».
S’il est vrai qu’un foyer monoparental peut être exposé à des échecs scolaires, des troubles de comportement chez les enfants, ou la grossesse de l’adolescente, il est aussi prouvé qu’un enfant élevé par un parent seul qui a su asseoir dans sa famille la positivité, la rigueur et toutes les bonnes valeurs essentielles, est mieux éduqué et plus épanoui qu’un enfant qui a vécu dans un foyer biparental instable. De ce fait, le foyer biparental ne met pas systématiquement à l’abri des débordements.
Yasmine cite : « Autour de moi, les gens qui vivaient avec père et mère ne me semblait pas être dans des modèles réussis de famille, dans la mesure où c’était des apparences assez particulières et très biaisées ».
Au-delà des préjugés
Conclusion, il n’est pas question d’avoir forcément les deux géniteurs ensemble pour jouir d’une bonne éducation, mais il est plutôt important de se focaliser sur le développement d’un environnement qui la favorise. Et là se situe tout l’enjeu. Au lieu de continuer à voir les familles monoparentales comme différentes, compliquées et dangereuses pour l’équilibre éducationnel, il serait tant d’éveiller les consciences sur la stigmatisation que cela cause autour de ce type de foyer et de ses conséquences. Il faudrait aussi et surtout agir en pensant aux enfants, car on le sait, un enfant qui se sent marginalisé est une éventuelle bombe à retardement.
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La société continue de scinder les causes de la monoparentalité. Être veuve est accepté et suscite même une sympathie, pendant qu’on porte aisément un jugement sur les cas des parents hors mariage, de parents divorcés ou parents seuls par choix. Ces regards maintiennent les moins affirmés dans des situations de mal-être et de culpabilité, rendant lente l’acceptation de cette condition. Il y a dès lors un travail à faire pour lever le voile sur les tabous de la monoparentalité chez les parents eux-mêmes. C’est l’assurance et la conviction qu’ils dégageront qui va donner le ton. Une fois que ce regain de confiance aura été fait, la société inquisitrice en face, sera plus réceptive à comprendre et accepter.
Être parent seul n’est pas une tare et ne devrait pas être considéré comme tel, car avoir un enfant est, et demeurera une bénédiction de la vie qui doit être honorée.
Par Lina Kétévi
Lina évolue dans le domaine de la communication et du média depuis presque 10 ans. Voix off, animatrice télé et radio, maîtresse de cérémonie, rédactrice web, créatrice de concept, vloggeuse et chargée de clientèle dans une agence de communication de la place. Suivez Lina sur Facebook & Instagram.