Dans les années 60-70, un genre musical faisait fureur dans les Antilles et les quartiers populaires d’Afrique et d’Amérique centrale : c’est le kompa. Née à peine une décennie plus tôt à Haïti, sous le génie du musicien Nemours Jean-Baptiste, cette musique est un mélange des traditions haïtiennes avec le meringue venu de
République Dominicaine et le calypso des Antilles anglaises. Si des artistes comme Tabou Combo, Frères DesJean ont participé à sa popularité, aujourd’hui, c’est Joé Dwèt Filè qui en est une figure principale. D’origine haïtienne, il mêle le kompa à de l’urbain pour un rendu plus moderne, plus frais. Il est LA nouvelle icône du kompa. À l’occasion de la sortie de son dernier album CALYPSO, nous l’avons questionné sur son parcours, sa carrière et son impact dans la promotion du kompa.
Quelles sont les musiques qui ont bercé votre enfance ?
J’ai grandi à Paris, précisément dans un quartier à Montreuil. J’ai évolué avec d’autres jeunes d’origines différentes. Et j’ai appris de chacun d’eux, on avait même parfois les mêmes valeurs, et on traine encore ensemble aujourd’hui. Je mangeais chez l’un attieke poisson, chez l’autre poundo avec la chikwangue et moi-même j’invitais aussi mes amis à manger nos plats avec la sauce haricot rouge et la banane plantain.
J’ai grandi en écoutant beaucoup de R&B, mais aussi beaucoup de musique africaine, du Congo avec Koffi Olomidé ou encore Fally. Et il y a des similitudes avec la musique kompa car on a des rythmes cadencés, beaucoup d’instruments, et beaucoup de live. La musique béninoise aussi partage des similitudes avec le kompa.
Mais j’ai toujours écouté du kompa depuis que je suis petit. J’aimais ça et c’est pour ça que j’en fais aujourd’hui.
Est-ce plus difficile de composer pour soi que pour les autres ?
Les deux sont différents. Après, la pression est tout autre quand on compose pour quelqu’un d’autre. J’ai toujours envie de bien faire, mais au final, c’est un plaisir. J’ai composé le dernier titre de Dadju (“Va dire à ton ex”, ndlr) qui voulait une ambiance kompa et ça été vraiment cool à faire.
D’où vous vient l’inspiration ?
C’est la vie de tous les jours, des choses que je vois, entend et ressens. Je fais des chansons d’amour.
Vous avez grandi avec des africains de tous origines (ivoirien, congolais, sénégalais…). Quels pays aimeriez-vous visiter ?
J’ai trop envie d’aller en Afrique. En tout premier en Côte d’Ivoire car c’est le pays où ça dja, on me l’a toujours dit. À Cocody, à Assinie. Ensuite, je voudrais aller au Sénégal, pour visiter l’île de Gorée et voir de mes yeux un pan de l’histoire. En RDC aussi pour tourner un clip avec Fally. Et pourquoi pas aller aussi au Mali, ce pays aussi m’intrigue et m’attire. Bien évidemment le Bénin, qui est pour moi ma maison. Non seulement j’ai des amis béninois qui m’ont adopté mais leurs cultures et celles d’Haïti sont les mêmes. Si Dieu m’autorise, j’irai dans tous les pays.
Quelle est votre définition de votre style musical ?
Je fais tout simplement de la musique. On peut tout mélanger. De la musique afro avec de la musique caribéenne. La musique caribéenne avec de la variété. La variété avec du R&B. Aujourd’hui, tout se fait. Et moi, je suis un mélange de tout ça dans un seul corps.
Joé Dwèt Filé, nouvelle icône du Kompa ?
J’ai à la fois une pression et une fierté avec votre question. J’ai une partie de ma communauté qui va dire que c’est bien et que je pousse le kompa. Et une autre puriste qui va dire que ce n’est pas du kompa.
Pour ceux comme moi qui voient le kompa qui évolue, c’est une fierté.
Pensez-vous que le Kompa soit démodé ? Le mixer avec d’autres genres musicaux peut-il le rendre plus moderne, plus mainstream ?
Non, le kompa n’est pas démodé, pas du tout. Je suis super content de voir que des médias s’intéressent à cette musique. En tout cas, la rendre plus moderne, c’est ce que je fais et j’aime. Quand je vois d’autres artistes comme Aya Nakamura ou Naza en utiliser dans leurs compositions, je ne peux qu’être fier.
En mélangeant différentes sonorités Noires, est-ce une tentative pour vous de reconnecter les peuples, notamment les Caraïbes et l’Afrique ?
Je pense que ma musique est dans cette logique mais de façon naturelle. Je fais des mélanges inconsciemment qui sont des formes de ponts entre les pays, les continents et les genres musicaux.
À quoi s’attendre en écoutant votre dernier album CALYPSO ?
Les recettes de l’album Calypso, il y a attieke, placali, madessu, tout dedans (rires) il faut manger, c’est bon. Là il y a 20 titres, je voulais même en faire 40 mais je me suis calmé. Il y en aura pour tout le monde, avec un peu de rap, de R&B, d’afro, de rumba, beaucoup de kompa. J’ai voulu satisfaire tout mon public, même celui qui ne m’aime pas va trouver de quoi kiffer dans cet album que j’ai mis beaucoup de temps à préparer. Les featuring aussi pourront vous plaire avec notamment Boleman, Naza, Faly, Ronisia, Ya Levis.