« Pour moi, la copie, c’est le succès. Il n’y a pas de succès sans copie et sans imitation ! »
Coco CHANEL
Depuis l’avènement des réseaux sociaux, il est devenu très facile pour les copieurs d’accéder aux œuvres originales des designers innovants. Nous n’en avons donc pas fini avec ce fameux sujet, la copie étant un sport très pratiqué. On ne citera personne mais nous avons tous facilement en tête certaines affaires récentes ayant fait polémique.
De toutes façons, en Afrique, comme on dit : « on se connaît ! » : on sait qui copie qui non ?
La mode, est un concept à la fois impalpable et paradoxalement très concret. C’est le marché du style et des tendances, dans lequel l’apparence d’une création est absolument stratégique pour les designers car sur un secteur aussi concurrentiel, c’est elle qui marque leur identité et les distingue aux yeux du public et des consommateurs.
Mais les créateurs de vêtements, bijoux ou maroquinerie connaissent-ils vraiment les moyens qu’offre le droit pour pallier au mieux au fléau des copieurs ?
Maître Nathalie ZOROMÉ, notre avocate, vous délivre ses conseils. Fondatrice du Cabinet international CNZ AVOCATS dont les activités dominantes sont le droit des affaires, le droit du travail et le droit international privé. Présente sur le continent, elle assiste une clientèle de particuliers et d’entreprises en France et en Afrique avec ses partenaires du réseau AFRICA-LAWS. Vous pouvez la découvrir en suivant son compte instagram @cnz_avocats ou sur le site www.cnz-avocats.com
Aujourd’hui plus que jamais, les créations d’inspiration africaine sont à la mode et les enjeux commerciaux sont tels que certaines marques n’hésitent pas à piller le capital intellectuel des créateurs les plus talentueux, en modifiant simplement un détail, un imprimé, une couture, une forme de manche …
Dans ces cas-là, il devient très difficile, voire impossible pour le propriétaire légitime de faire valoir ses droits s’il n’a pas investi dans une protection efficace. Au-delà des techniques de pure communication comme le « name and shame » (dénonciation publique) et l’utilisation du fameux hashtag « #donttouchmyart », si on se place du point de vue du droit, une protection sérieuse passe nécessairement par l’enregistrement, non seulement de la marque, mais aussi des dessins et modèles.
Pourquoi déposer vos créations ?
Cela vous permet d’officialiser vos droits et votre monopole d’exploitation, y compris à l’étranger, ce que je recommande évidemment vu le contexte et l’engouement international actuel pour la mode africaine.
En la matière, le droit de propriété intellectuelle se positionne principalement sur la protection dite des « dessins et modèles ». On peut protéger l’identité d’une création en parlant de « dessin » lorsque l’apparence du produit est représentée par les croquis du créateur, et en parlant plutôt de « modèles » pour les représentations en trois dimensions.
Designers, quels sont vos droits ?
Toute création originale est protégée par la législation sur les droits d’auteur qui confère automatiquement des droits de reproduction et de représentation sur votre œuvre. En tant que propriétaire de votre création originale, vous êtes naturellement titulaires de deux types de droits :
- Vos droits moraux (illimités dans le temps, ils reconnaissent la paternité/maternité de votre œuvre et garantissent le respect de son intégrité) ;
- Vos droits patrimoniaux (ils vous confèrent un monopole d’exploitation pour une durée limitée selon les cas et les pays, avant que votre création ne tombe dans le domaine public).
S’agissant des droits sur votre œuvre, c’est le critère de l’antériorité qui sera déterminant en cas de litige. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire, dans un premier temps, de vous pré-constituer des preuves de sa date.
Certains créateurs négligent cette notion essentielle, faute de savoir à quel point cette datation préalable sera capitale en cas de litige.
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Comment établir la preuve que vous êtes le créateur légitime d’un modèle ?
En cas de problème avec un copieur indélicat, l’essentiel est de pouvoir prouver l’antériorité de votre création. C’est un élément indispensable pour le démasquer. A ce stade, rappelons qu’il existe des moyens et astuces légales relativement simples et abordables financièrement pour vous constituer une preuve de la date de création de vos modèles :
- Déposer chez un huissier ou notaire, technique plus ou moins onéreuse selon les pays ;
- Apposer le « c » du copyright au bas de vos croquis avec une date et votre nom avant de les publier, technique gratuite mais pas imparable ;
- Utiliser les célèbres « enveloppes SOLEAU » disponibles sur le site de l’INPI (institut national pour la propriété intellectuelle), étant souligné que le procédé ne se limitera pas à la France même s’il s’agit d’un organisme français ;
- Utiliser les non moins célèbres enveloppes numériques « MaPreuve » avec signature électronique et horodatage de vos fichiers.
Quelles sont les conditions requises pour le dépôt de vos dessins et modèles ?
- Leur réelle « nouveauté » et leur caractère propre (en d’autres termes, votre création ne doit pas donner le sentiment d’un « déjà-vu ») ;
- Votre légitimité en tant que créateur déposant la marque ou le modèle (vous devez pouvoir prouver en être personnellement à l’origine) ;
- Que vos créations aient des signes distinctifs vraiment visibles pour le public.
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Où peuvent être déposés votre marque et vos dessins ou modèles ?
En Afrique francophone, l’organisme de référence en matière de protection des droits de propriété intellectuelle est l’OAPI (organisation africaine de la propriété intellectuelle). La liste de ses 17 pays adhérents est disponible sur internet mais on compte notamment : la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon, le Togo, le Bénin, la Guinée, le Congo, le Mali etc…
Lorsque le créateur est domicilié sur l’un des 17 États membres de l’OAPI, il peut déposer directement sa marque, sinon, il doit recourir à un mandataire local.
L’enregistrement de votre marque permet une protection pour une durée de 10 ans, avec renouvellement chaque décennie. S’agissant plus spécialement de la protection de vos dessins et modèles, leur enregistrement vous conférera une protection pour 5 ans, renouvelable deux fois.
Depuis que l’OAPI a adhéré au Protocole de Madrid relatif à l’enregistrement international des marques en 2014, il est possible pour les créateurs africains de bénéficier d’une protection très étendue sur plus d’une centaine de pays en ne déposant qu’une seule demande internationale.
Ce système est donc une grande avancée car cela centralise les dépôts des créations, en évitant ainsi de devoir faire enregistrer une demande pour chaque pays où la protection du créateur est souhaitée.
Références légales :
Codes nationaux de la propriété intellectuelle,
Accord de BANGUI, du 2 mars 1977 (OAPI)
Protocole de Madrid, relatif à l’enregistrement international des marques
Organismes utiles :
OAPI (organisation africaine de la propriété intellectuelle)
OMPI (organisation mondiale de la propriété intellectuelle)
INPI (Institut national pour la propriété intellectuelle)